Brexit : une opinion fausse, une douleur vraie

Ce n’est ni dans mes habitudes ni dans le périmètre de ces billets d’humeur de commenter l’actualité politique. Mais voilà, ce 24 juin est un triste jour. Pour tous ceux qui ont cru et continuent de croire dans le principe de la construction européenne, dans cette promesse de paix, de démocratie et de prospérité, la décision du BREXIT laisse un goût amer. Toute l’équipe des Editions Æthalidès était en deuil ce matin.

L’écarlate Evariste Ducasse, notre camarade du métal, avec qui j’en parlais au téléphone, était abattu : « C’est une victoire pour les partis populistes et xénophobes qui fleurissent dans toute l’Europe et qui se nourrissent de la peur et de la haine. L’année qui vient sera décisive pour mobiliser les travailleurs et empêcher un effet domino. »

Le gaulliste Pierre Legris était aussi très sombre. « Que veux-tu, ma belle, c’est le problème de tous les referendums : on demande au peuple, par définition ignorant et aveugle, de décider de son avenir, quand c’est au contraire à ses chefs, à ses stratèges, que revient la responsabilité de guide et de pilote. Le berger laisse-t-il ses brebis décider de l’heure et du pré où elles broutent ? Les parents laissent-ils les enfants décider de l’heure où ils se couchent ? C’est une vraie situation de Catch-22 : le gouvernement d’Albion a laissé librement son peuple décider de son avenir, et son peuple a librement choisi la servitude. On connait déjà la suite : une croissance du populisme qui aboutira à une plus grande instabilité. Ce que le peuple désire, fondamentalement, ce sont les chaines de la dictature. Le peuple est un enfant qui cherche son père. »

Madame la Présidente, centriste et libérale, pragmatique, restait confiante. « Le marché s’adaptera. Le monde affronte des problèmes bien plus importants. L’Europe des 28 passe à 27 ? Qu’importe : un de perdu, dix de retrouvés. Regarde : avec l’Ecosse et le Pays de Galles qui en profiteront pour obtenir leur indépendance, cela en fera déjà deux ! »

Quant à moi, dois-je admettre, j’étais incapable du moindre commentaire. Ma tête rêveuse s’était déjà envolée vers des figures aimées : qu’aurait chanté John Lennon ? Que diraient les Monty Python ? Quelle tragédie écrirait Shakespeare ? Albion a apporté tant de culture et de joie au monde que c’est douloureux de la voir volontairement se retirer de la culture et du monde.

Notre stagiaire « millenium », plus portée sur les youtubers Cyprien et Squeezie que sur la géopolitique, s’est enquis de ma triste mine. Je lui ai expliqué ce que je viens d’écrire. Alors elle a pris son Mac et résumé mes pensées sur une photo.

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« C’est un jour triste, c’est vrai », m’a-t-elle dit, « mais, tu sais, il est déjà trop tard pour tous les peuples qui rêvent de rester insulaires : que nous le voulons ou non, nous sommes tous connectés. Nous sommes tous citoyens d’un seul pays digital. L’unification du monde est inéluctable. »

Certes, pensai-je. Mais le Brexit a beau être une fausse opinion, il reste une douleur vraie.

Tiens, un autre catch-22.

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