« Planets » de Jeff Mills à l’auditorium

Un court billet pour vous dire que j’ai beaucoup aimé la représentation « Planets » de Jeffs Mills et de l’Orchestre national de Lyon, dirigée de main de maître par Christophe Mangou. J’étais, il est vrai, venue sans aucune attente ; il m’était donc plus aisée de repartir satisfaite. Sans attente, mais avec beaucoup d’idées préconçues qui volèrent en éclat ce soir-là.

Le public électro était venu nombreux pour applaudir leur héros : Jeff Mills est une figure tutélaire de cette révolution « techno » qui déferla dans les nineties, et je me souviens encore des yeux enthousiastes de mon grand frère, au lendemain d’un festival lointain duquel l’adolescente que j’étais le voyait revenir avec envie. « Tu aurais vu, ce gars, Jeff Mills, il mixe avec trois platines, ouah, c’était extra. Y avait Laurent Garnier et Carl Cox aussi ! » C’était une autre époque, sans doute, et je m’étais décidée à rejoindre l’auditorium en pensant qu’il en est de l’électro comme du jazz : la fureur pionnière se transforme avec l’âge en cérémonie feutrée – toute jeunesse endiablée ne se convertit-elle pas, avec le passage des ans, à la douceur des rites ?

Alors, oui, je n’attendais pas grand-chose d’un Jeff Mills en queue de pie, singeant la dignité de la musique sacrée. Et je ne portais a priori pas plus de crédit à ces musiciens endurcis, pourtant aguerris à Mozart, qui osaient quelques pas de danse avec une musique faite de beat et de bits.

Eh bien, une fois de plus, mes amis, la peste que je suis dut ravaler ses sots préjugés.

Car ce fut une véritable fusion des genres, dirigée par un chef d’orchestre enthousiaste et communiquant son enthousiasme à tous les auditeurs ; ce fut un véritable voyage initié symboliquement du centre du monde (le Soleil) et se répercutant à travers chaque manifestation de l’être (les planètes), chacune avec leur spécificité, leur individualité, chacune participant d’une totalité cohérente et harmonieuse. Quelle était la part de la musique classique, quelle était la part de la musique électronique ? Nous ne savions plus, nous étions au-delà des formes, dans l’écoute d’une musique universelle qui nous conviait à l’universalité de l’Être et à la joie, une musique qui nous interpellait et de nouveau posait cette « Unanswered question », morceau presque centenaire de Charles Ives joué en introduction du spectacle.

N’est-ce pas l’essence même de la musique – et plus généralement de l’art – de continuer à oser poser cette « unanswered question », pour les siècles et les siècles, dans la multiplicité des formes que les siècles manifestent ?

Je quittai l’auditorium les larmes aux yeux, emplie de reconnaissance pour ces artistes téméraires que sont Jeff Mills et Christophe Mangou et pour les producteurs qui les soutiennent. Le monde est plein d’esprits formidables.

Ayez foi, mes amis, car « la poésie sauvera le monde ».

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