Je m’habitue au décalage
La patiente source du rien
Alimente mon lent ramage
Je prends ce monde pour le mien
Je préfère l’ombre à la proie
Avec des mots piètre chasseur
Je vise le grain sous la soie
Désir effarant la blancheur
J’habite un sale coin de Haine
(Gaffe nigaud c’est un cours d’eau
Range théorie et fredaine)
Je suis chantre d’un marigot
Où dealers en herbe et pucelles
Se flattent en voix de crécelles
J’écris ce que je peux et dois
(C’est quoi qu’on dise même chose)
Sans servir couronne ni cause
Sans salir sauf d’encre mes doigts
Qu’en orignal ou en chamois
Me frappe la métempsycose
D’Orval vienne la couperose
J’écris par fatigue de moi
Si ce n’est donc en vers nippons
À l’italienne ou à l’anglaise
Je salue la croupe ou la fraise
Je soulève tous les jupons
D’un feutre ne fais un carquois
Pour chanter l’âme ou le minois
Sur quoi puis-je régner en maître ?
À défaut de subtilité
Charme futile de l’été
Dans l’entre-deux se trame l’être
Pour le chien philosophe au mètre
Qui pond kilos de vacuité
Je me repais de la clarté
Du jour fendillant la fenêtre
Idoine à la contemplation
De la tendre et rose succion
D’une peau à peine hâlée
S’amusant du fouillis des draps
Ce fut sonnet ou opéra
Sel de la sueur en allée
J’aimais son odeur de veuve
Perversement en habit noir
Sa raide façon de déchoir
Son mépris cinglant de l’épreuve
Elle affectionnait Sainte-Beuve
Joseph Delorme dans le soir
Psalmodié près de l’ostensoir
Dans sa chambre à Louvain-la-Neuve
Un Christ mal nourri la guignait
Chiquement drapée ou bien nue
Indifférente à mes airs niais
Et quand montait l’effarement
Je fuyais vers la grise nue
Par dégoût altier du moment
Elle moulait son petit cul
Dans un short dont la fermeture
Un peu l’agaçait l’aventure
À compter écu sur écu
Se promettait nulle un vécu
Moche à servir glace ou biture
À des cohortes de roulures
Ensemble mioches et cocus
Elle se touchait l’aréole
Fière abondamment de ses seins
Captifs bientôt d’un Calvin Klein
Sous un t-shirt trop large et blanc
L’impudique sagouin Éole
Viendrait souffler son rire franc
Je travaille ma finitude
Un objectif quoi ou raison
Belle d’achever la saison
Sans par coeur apprendre Paludes
Je travaille mon hébétude
Un coma privé de poison
Chat caressé sur le gazon
Duvel sur Duvel à Dixmude
Je ne serai jamais soldat
Au fond guère mieux qu’un touriste
Comptable de ses menus pas
Loin du bruissement des terriens
Des luikse wafels plébéiens
Se mouvant vers la vague triste
Non mais quel ton il prend quel homme
À déclamer étrangetés
En vers vieilles sapidités
Russo-teutonnes sur nos pommes !
Il se croit faut croire surhomme
Fougueux cuistre vitaminé
En toutes langues au René
Armand François Sully Prudhomme
Ou à d’autres bardes parfois
Hommes sans dieu hommes de foi
Et princes des temps malhabiles
Néo-Tarkos avec sébiles
Mendiants du verbe sans recours
Hormis chansons qui n’ont plus cours
La radio diffusait Bruel
Ce qui bien sûr poussait au crime
Au moins se venger à la rime
Et lui coller un Buñuel
Le moment était factuel
Et devait conduire à la cime
Sans écot facture ni dîme
Commerce nul dans Wasmuël
C’était une courte Odyssée
Pour ma queue rarement sucée
Dans sa bouche tout l’univers
Connu battu et parcouru
Et ma liqueur joyeux travers
Glorieux spasme du dernier ru
Elle aimait rester en culotte
Éminemment banale Dim
Je parlais de Roger Vadim
Elle disait c’est sans capote
Que j’aime en moi ton jet de flotte
Tu ne risques pas l’alastrim
Platement virait mon denim
Et ma référence vieillotte
Si tu veux t’enfler l’intellect
Récite-moi un Amerloque
Un buveur baiseur sans défroque
Ou si tu l’oses sois sélect
Rimbe mineur sans érythème
Sonne l’heure de ta bohème
Son cul est le miroir du monde
Parce qu’il a droit de cité
À voix haute ou en aparté
Par sagesse grande ou par fronde
La grâce d’une esquisse ronde
Lui confère ample dignité
Et le goût de salinité
Sous les fesses rappelle l’onde
Une ligne est son seul reflet
Entre n’importe où et Termonde
(Marcel Thiry dirait Roermonde)
Portrait fallacieux incomplet
Bancal mais qui la justifie
De chair à mots de mort à vie